La fin du vandalisme – Tom Drury – Cambourakis

La fin du vandalisme – Tom Drury – Cambourakis

Éditeur : Cambourakis
Langue : Français
Format : grand format
Dimensions : 20,5 cm x 14,0 cm
ISBN-13 : 9782366240511

 
 

Résumé:

La Fin du vandalisme raconte le comté de Grouse, dans le Middle West : ses fermes, ses chemins de terre, son marais Lapoint, son bois Martins, sa saison sèche suffocante, ses pluies automnales, ses pompiers, son conseil élu, ses commerçants. Ce regard porté sur un territoire et ses habitants n’est pas sans rappeler le Winesburg-Ohio de Sherwood Anderson. On suit plus particulièrement un couple, Da
n et Louise : on assiste à la naissance de leur amour, à leur mariage – Louise étant, à l’ouverture du livre, encore unie à Tiny Darling, un voyou sans grande envergure – à l’attente d’un premier enfant. Shérif, Dan Norman sillonne le comté au fil de ses multiples tâches : il enquête sur la mystérieuse apparition d’un nouveau-né dans un caddy de supermarché, doit faire descendre un groupe de rock monté au sommet du château d’eau municipal, surveille le bal du lycée où Tiny Darling viendra semer la zizanie, épie l’un de ses adjoints qui semble transmettre des renseignements confidentiels au candidat adverse, compromettant sa réélection à un second mandat. De son côté Louise est une jeune femme lunaire, ironique, secrète, qui aime boire son gin tonic avant de s’endormir ; Employée d’une boutique photographique, elle entretient une relation affectueuse et cocasse avec sa mère Mary Montrose, dont le compagnon, Hans Cook, consomme parfois du LSD. Au fil des déplacements de Dan et Louise apparaît une singulière tapisserie de relations entre quelques soixante-dix protagonistes. Par des dialogues et des descriptions tantôt ironiques, tantôt absurdes, précis et poétiques, Tom Drury rend ces personnages tous plus attachants et pittoresques. Il entrelace les fils narratifs de manière virtuose, excelle à faire jaillir le sens – souvent comique – des plus infimes détails, laisse les conversations s’étirer… Tom Drury est drôle sans jamais être sarcastique ou cynique : cet humour et cette bienveillance accompagnent ses personnages – que le lecteur retrouvera dans les deux volumes postérieurs de la trilogie, Hunts in Dream et Pacific.

*Vous pouvez retrouver toutes les chroniques Libfly pour ce livre sur cette page*

La chronique Libfly de Mobd:

Scènes de vies quotidiennes en pleine campagne américaine, dans un Comté du Midwest.

On accompagne Dan Norman (shérif du Comté de Grouse) dans la gestion des affaires courantes : une enquête pour appréhender le responsable de la disparition d’engins agricoles, retrouver la mère du petit Quinn (ce nourrisson abandonné dans un caddie de la supérette Hy-Vee de Margo), encadrer les travaux d’intérêt public d’Albert (fils d’un fermier du Comté qui a vandalisé le château d’eau)…

On rencontre également Louise au moment où elle décide de rompre avec Tiny (délinquant notoire). Nous allons découvrir comment cette femme reconstruit sa vie après son divorce.

La fin du vandalisme est un récit choral de Tom Drury. Ce roman d’environ 360 pages fait intervenir pas loin de 70 personnages différents. Le couple de personnages principaux (Dan et Louise) est initialement utilisé pour permettre d’accueillir chaque nouveau protagoniste. Passé le premier tiers de l’album, ce n’est plus le cas. En effet, le lecteur se repère dans ce microcosme et l’arrivée de tel ou tel se fait naturellement.

De fait, il faut un bon moment avant d’entrer dans l’histoire qui, au vu de la multiplicité des intervenants, peut sembler décousue. Car si l’intrigue se construit essentiellement autour de la présence de Dan et Louise, le lecteur devra repérer les noms des personnages secondaires ainsi que les noms des villes du Comté : Margo, Boris, Grafton, Mixerton… Nous sommes effectivement et régulièrement amenés à suivre Dan dans ses déplacements professionnels ou à être pris dans les allées-venues de Louise.

Il m’a donc fallu du temps avant de pouvoir investir les uns et les autres et me sentir à l’aise dans cet univers. Cependant, les ramifications entre les personnages sont permanentes; on croise chaque individu régulièrement et dans différents contextes ce qui permet de s’approprier chacun d’entre eux assez facilement.

La fin du vandalisme développe des scènes de vie du quotidien. Il y a peu d’action, le rythme du récit est assez constant avec quelques rares passages où l’on est saisis par la tension du moment ; dans ces instants, on ressent de l’inquiétude pour le personnage. Je pense notamment à ce passage où l’on se trouve avec Louise dans sa ferme isolée ; la jeune femme vit seule et, par une nuit d’hiver, elle aperçoit quatre hommes qui se dirigent prestement vers sa maison… Je me rappelle aussi de ce passage où, à la suite d’un appel anonyme très avare en informations, Dan mène tambours battants une recherche pour retrouver un nourrisson abandonné dans un caddie d’un des supermarchés de la région.

J’ai apprécié cet ouvrage qui n’a pas été sans me rappeler Essex County et ce pour plusieurs raisons : les deux histoires se déroulent dans le Midwest, ce sont deux récits chorals, deux scénarios presque dépourvus de scènes d’action et deux univers dans lesquels le lecteur met du temps à entrer et à se repérer. Les pièces du puzzle narratif trouvent lentement leur place mais avec une fluidité étonnante. Finalement, l’atmosphère qui plane sur ces fiction nous permettent de nous sentir à l’aise. La fin du vandalisme est le premier tome d’une trilogie que j’ai très envie de poursuivre. Les deux autres tomes (« Hunt in dreams » et « Pacific ») ne sont pas encore traduits en français.

Avec beaucoup de subtilité et un humour pince-sans-rire, Tom Drury nous permet d’explorer un univers réaliste. Son écriture est descriptive et contient de nombreux détails qui permettront au lecteur de matérialiser les personnages aussi bien que leur environnement (couleurs, emplacement des objets, sons, formes…). Le lecteur devra pourtant faire preuve de patience pour s’approprier cet univers et y trouver sa place. Une bonne cinquantaine de pages sont nécessaires pour se situer face à la déferlante de personnages que l’auteur installe. Pourtant, au bout du compte, cette lecture s’avère très agréable et assez prenante.

La chronique Libfly de PamelaProust:

Des formes isolées dans l’immensité vide, vaguement reliées par la route, voilà le décor.

La vie dans le comté de Grouse est ordinaire. Les gens sont propriétaires, les enfants vont au lycée, et pour les problèmes il y a le shérif, Dan. Pour les tensions de voisinage, les vols d’engins agricoles, les rixes de bar avinées, des choses comme ça. Rien de grave.

Et puis, mine de rien, il y a Louise, ses yeux verts et ses légères taches de rousseur. Louise et Tiny d’abord, puis Louise et Dan. Une séparation, un enfant abandonné et retrouvé, un nouveau mariage, une élection, la route à reprendre pour certains, et les maux et rancœurs qu’on devine. Sans heurts, sans cris, les drames se nouent. Entre eux on perçoit seulement les bruits étouffés, comme ceux des pas dans la poudreuse de leurs paysages. La lumière et les choses, statiques, immuables, sont des évidences presque bruyantes dans la ouate des non-dits.

La sobriété de la langue est terrible, habile et trompeuse. Ces personnages, on les tâte, on les ausculte, mais on est piètre médecin, à la recherche de preuves superficielles, car rien n’est jamais formellement dit, tout est montré. Leur vie et leurs sentiments sont tout entiers contenus dans ces gestes banals, Louise qui met du vernis, Tiny à son volant, Dan penché au-dessus de son bureau. Tom Drury réalise l’exploit étonnant d’écrire un livre en relief : ces surgissements vitaux parfois, scènes de la vie quotidienne, et en creux, le silence, les pauses et les ellipses, comme dans un film qui prendrait son temps.

Eh oui, la délicatesse a toujours des adeptes. La preuve.